Depuis les premières lignes du transport en commun assurant le service essentiel pendant la pandémie de COVID-19 – Le point de vue d’une préposée de gare GO Transit

La plupart d’entre nous sont confinés depuis plus d’un mois.

4 mai 2020

Le travail de Dana Fisher à la gare GO d’Oakville ne ressemble plus du tout à ce qu’il était.

Mme Fisher est préposée à la gare GO depuis près de quatre ans. Comme nombre de ses collègues, elle se trouve en première ligne depuis le début de la pandémie de COVID-19 et a été directement témoin des conséquences dramatiques du virus.

Son milieu de travail a considérablement changé à la gare GO d’Oakville – traditionnellement l’une des gares les plus achalandées du réseau de transport en commun – puisque des milliers de ses clients habituels ont arrêté de se déplacer avec GO pour travailler depuis chez eux.

Alors qu’elle s’occupait de centaines de clients pendant sa journée de travail, elle n’en aide désormais plus que quelques-uns. Au lieu de faire le tour de la gare pour aider les gens à s’orienter ou à utiliser les distributeurs automatiques de billets, sa tâche est désormais limitée à aider les gens depuis sa billetterie, qui est entourée de verre. Malgré ces changements manifestes, Mme Fisher indique avoir été capable de s’adapter et de continuer à insuffler son énergie positive dans la vie des personnes qui s’en remettent toujours à GO pour se rendre au travail.

De nombreux clients sont habitués à voir les préposés de gare GO dans leur plaque tournante de transport en commun locale, et beaucoup de ces clients connaissent même le nom des préposés – Mais quel est l’effet de la pandémie sur eux? Voici comment Mme Fisher décrit le changement intervenu dans ses journées – et dans ses interactions avec les clients.

Info Metrolinx : À quoi ressemble votre quotidien ces temps-ci et comment le compareriez-vous à l’avant-COVID-19?

Dana Fisher : Ma journée commence de manière très différente maintenant. Je conduis jusqu’à la gare comme j’en avais l’habitude en temps normal, mais avant de quitter la voiture, j’enfile dorénavant mon masque et mes gants. Je regarde autour de moi pour voir ce qui se passe et qui se trouve dans les environs. Il s’agit essentiellement pour moi de savoir si je dois prendre mes distances par rapport à quelqu’un alors que je me rends à mon poste. Le but est désormais avant tout de rester en sécurité et de protéger la sécurité des autres. Je me rends ensuite vers la billetterie de la gare où j’accomplis mon rituel quotidien de nettoyage et de stérilisation avant de m’installer.

Je passe maintenant beaucoup de temps à désinfecter et nettoyer les surfaces. Nous avons replié les bancs pour décourager les gens de s’asseoir ou de flâner. Nous voulons que les gens soient toujours en mouvement. Nous passons dorénavant davantage d’annonces rappelant aux gens de prendre leurs distances les uns par rapport aux autres le long du quai et de pratiquer l’éloignement physique.

Info Metrolinx : À quoi ressemblent vos interactions avec les clients?

DF : Nous n’avons plus d’échanges physiques ou rapprochés avec eux. Je vois désormais principalement des travailleurs essentiels avec des tenues de chirurgien en chemin vers le travail. Les gens sont rassurés lorsqu’ils nous voient. Nombre d’entre eux sont heureux de me voir, de voir un visage connu. Les gens veulent qu’on les rassure dans ces temps incertains. Je pense que lorsqu’ils nous voient, nous représentons une source de stabilité et renvoyons l’image de quelque chose de connu. Les gens ont besoin de cela en ce moment.

C’est drôle, mais à l’heure actuelle, je considère qu’il est plus simple et encore plus important de créer des liens avec les gens. Nous n’avons pas le volume de voyageurs d’avant, mais nous avons les liens avec eux. Il s’agit d’être positif et d’être là pour offrir un service qui permet à d’autres travailleurs de première ligne indispensables de se rendre au travail.

Info Metrolinx : Quelle perception avez-vous de l’évolution de la situation depuis votre poste en première ligne? 

DF : Il est certain que tous ceux d’entre nous qui doivent aller en première ligne sont très sensibilisés. J’ai plus conscience de l’ensemble des choses et des personnes. Il importe également au milieu de cette situation que les gens ressentent de la sécurité et de la sûreté.

J’éprouve de la reconnaissance à être là. Je suis ravie de pouvoir utiliser mon énergie positive pour rassurer les gens et leur faire savoir que nous (Metrolinx et GO) sommes là.

Nous ressentons de l’abattement, il s’agit d’une expérience de déracinement, mais je suis heureuse d’être en mesure d’apporter mon aide dans ces moments difficiles. Les gens se sentent abandonnés et seuls. Cela fait du bien de les encourager lors de leurs trajets. Offrir une attitude positive est selon moi ce qui importe dans ces temps incertains. Je fais mon possible pour que mes échanges soient aussi positifs que possible. Il me semble que cela donne de la valeur à ma journée.

Info Metrolinx : Avez-vous déjà travaillé en situation de crise par le passé?

DF : Non. Je me souviens du SRAS, mais je ne me rappelle pas que la situation ait été aussi intense. J’ai vu le déraillement à Mississauga en 1979. J’habitais dans la vallée de Mississauga et beaucoup d’entre nous avaient dû être évacués. Ma famille a été séparée; certains d’entre nous avaient dû aller chez d’autres membres de la famille et des amis. Cette situation a duré pendant des semaines car on suspectait la présence de fuites de gaz. Hormis cela, je n’ai jamais vu une situation comparable à la situation actuelle.

Info Metrolinx : Quel type de mesures de sécurité prenez-vous lorsque vous rentrez chez vous?

DF : J’enlève mes habits dans le garage. J’entre ensuite dans la maison par une porte latérale et vais immédiatement prendre une douche avant de croiser qui que ce soit dans la maison. Je vais chercher mes habits propres pendant la nuit et les remets dans la même position, comme cela, personne n’a à m’apporter quoi que ce soit.

Par ailleurs, nous nous assurons aussi que personne d’autre n’a à quitter la maison. Lorsque je suis à l’extérieur, je vais faire l’épicerie et les autres courses nécessaires.

Info Metrolinx : Que dites-vous quotidiennement à votre famille lorsque vous devez vous rendre au travail au beau milieu de cette crise?

DF : Ma famille est très préoccupée. Elle s’inquiète, mais je la rassure en lui disant que je prends toutes les précautions nécessaires pour me protéger. Elle respecte la tâche que j’ai à accomplir et nous en parlons. Le fait de parler améliore notre bien-être et favorise une meilleure compréhension.

Nos superviseurs nous accompagnent beaucoup et les heures de travail sont organisées de sorte que l’on croise peu ou pas du tout les collègues des autres quarts de travail. Les superviseurs ont aussi échelonné les jours de travail. Ainsi, certains jours, je n’ai pas à sortir et peux rester à la maison avec ma famille. Les jours où je suis à la maison, nous faisons de l’exercice et jouons à des jeux. Nous avons également organisé quelques fêtes en ligne avec les membres de notre famille et des amis.

Lorsque je me rends au travail, je reste en contact avec les membres de ma famille. Cela est très important et leur permet de savoir que je vais bien. Je téléphone lorsque j’arrive au travail et je téléphone lorsque je me mets en route pour la maison.

Info Metrolinx : Que vous dites-vous lorsque vous vous préparez à aller à l’extérieur?

DF : Je me dis que j’ai le privilège d’aider les autres, et que je suis heureuse de le faire. Je suis chanceuse d’être en bonne santé. Nous sommes tous concernés par cette situation. J’estime qu’avoir un service à offrir aux autres pendant cette période éprouvante représente un honneur. C’est un honneur d’être en mesure de permettre aux gens de se déplacer. Ces personnes se rendent probablement faire un travail qui est beaucoup plus important que le mien et je suis heureuse d’être en mesure de leur apporter un service. Je remplis un rôle important dans une situation encore plus importante lorsque vous regardez les gens qui voyagent en ce moment et le travail qu’ils doivent accomplir.


par Tanika Baker Metrolinx communications coordinator