Plus qu’un « incident » : humaniser les suicides sur les corridors ferroviaires GO
Parler ouvertement entraîne plus de compassion et de conversation sur les façons de prévenir.
4 mars 2019
L’alarme d’urgence se déclenche sur les téléphones de tous les membres du personnel de Metrolinx, signalant un événement important quelque part sur notre réseau de transport en commun.
Ce qui va suivre est une intervention composée de réactions et de signalements sophistiqués et rapides.
Mais avant même que cela se produise, il existe toujours un souhait commun et partagé. Il s’agit d’une pensée immédiate et viscérale plus humaine que celle imposée par la structure, par la loi ou par l’entreprise.
L’espoir commun est que l’alarme signale tout sauf une perte de vie ou d’un membre. Tout sauf un autre suicide.
Ceux qui travaillent pour une société de transport en commun connaissent malheureusement trop bien les conséquences désastreuses du suicide et les répercussions à long terme sur les proches en deuil. Chaque année, en moyenne, plus d’une douzaine de personnes se suicident sur nos corridors ferroviaires.
Nous en parlons donc souvent et ouvertement.
Les équipes d’urgence procèdent à une intervention lors d’un accident mortel récent le long d’un corridor ferroviaire de Metrolinx. (Photo de Nitish Bissonauth.)
Il n’y a pas de réponse simple à la prévention du suicide. Il y a plus de 500 kilomètres de voies ferrées ouvertes, et nous empêchons l’accès à la plus grande partie possible par l’entremise de diverses mesures. Nous formons notre personnel à reconnaître les signes de suicide et à mener des interventions empreintes de compassion. Par ces centaines de signes, nous veillons à ce que les personnes qui envisagent le suicide aient accès à une aide d’urgence. Et nous éduquons nos clients et les médias et communiquons avec eux.
En tant qu’organisation, Metrolinx croit que le suicide est un problème que nous ne vivons pas seul.
Cela fait partie de la réalité d’un grand service de transport, mais nous ne fermerons jamais les yeux sur cette réalité dans notre organisation.
Il n’est pas facile de parler ouvertement de suicide. C’est un sujet qui demeure souvent dans l’ombre à cause de la peur, de l’incertitude et de la honte qu’il suscite. Il y a quelques années encore, les sociétés de transport en commun ne parlaient généralement de suicide que par euphémismes, de peur que cela incite d’autres suicides ou traumatise les passagers dont les trains sont retardés, parfois pour plusieurs heures. Ainsi, les clients n’étaient pas informés et restaient fâchés.
La perte d’une vie était un « incident ». La personne derrière cette décision funeste était un « intrus » sur la propriété du service.
L’aspect humain et la véritable perte étaient dissimulés par des mots qui contournaient la vérité et le dialogue dont nous avions tant besoin.
Il y a quelques années, Metrolinx a décidé de lever le voile du secret sur les décès et de communiquer avec plus d’ouverture et de transparence avec nos clients et les médias. Cette décision a entraîné une compassion et une compréhension plus grandes de la part des clients ainsi qu’une conversation plus approfondie sur la santé mentale.
L’idée est entre autres de faire tout en notre pouvoir pour tendre la main à ceux qui en ont besoin, avant d’avoir à trouver les mots pour décrire ce qui leur est arrivé.
Les agents chargés de l’application des règlements, qui sont aux premières lignes, sont souvent les premiers à pouvoir intervenir lorsqu’une personne est en détresse. Ils suivent chaque année une formation spécialisée sur la communication en cas de crise et interviennent très activement sur des problèmes de santé mentale dans notre réseau. Chaque année, ils interviennent dans des douzaines de situations qui auraient certainement pu être fatales.
Mais même s’il s’agit d’une seule personne, les répercussions du suicide vont au-delà de la personne qui le commet.
Quelque part, il y a une famille. Des amis. Des proches. Quelque part.
Nous savons aussi quels sont les effets sur nos clients lorsqu’ils apprennent ce qui s’est passé.
Et notre personnel en ressent les contrecoups. Nos employés sont parfois la dernière personne à voir l’individu en vie, ils s’occupent de ceux qui ont assisté à l’événement et doivent communiquer la mauvaise nouvelle. Il y a aussi les agents chargés de l’application des règlements, qui enquêtent sur le décès.
Notre personnel est composé d’employés de Bombardier, qui possède ses propres processus pour les aider à faire face à des expériences traumatisantes telles que des décès au travail.
Quel que soit leur rôle après une tragédie, les membres du personnel de Metrolinx ont accès à du soutien de Morneau Shepell, notre fournisseur. Raconter l’événement devant des collègues et des professionnels peut souvent aider à soigner le traumatisme.
Après un décès, les agents chargés de l’application des règlements jouent un rôle unique puisqu’ils sont impliqués dans tous les aspects de l’enquête.
Comme le dit le sergent Michael Walton : « La sécurité du public et de ceux qui ont témoigné de l’incident est cruciale. Nos agents travaillent en collaboration et en partenariat avec la police et le coroner, participent à la collecte des preuves et à la gestion des lieux et travaillent à rétablir le service en toute sécurité. »
Quelles sont les répercussions sur ces agents? Il n’existe pas de sentiment ou de réaction typique lorsqu’on est touchés, ni de moment typique pour ressentir les effets, déclare Walton.
« Intervenir lors d’un événement traumatisant nous fait tellement sortir du quotidien que les effets sur les agents varient beaucoup. Chaque situation peut potentiellement les affecter profondément en raison de plusieurs facteurs, notamment l’âge de la victime, les témoins et les membres de la famille en deuil sur les lieux, les déclencheurs ou des facteurs de stress personnels et la pression de rétablir le service le plus vite possible. »
Metrolinx a un programme de soutien des pairs que les agents peuvent appeler en tout temps pour obtenir de l’aide à la suite d’un événement tragique. Établir le bon système pour soutenir le personnel de première ligne consiste entre autres à assurer la compréhension de la direction de Metrolinx.
Metrolinx a un partenariat avec ConnexOntario. Des centaines de panneaux d’information sont placés en différents lieux du réseau. Sur la photo, un couple attend de pouvoir monter à bord d’un train GO près d’un de ces panneaux.
Selon l’inspecteur Steve Weir, l’équipe de la direction suit une formation afin qu’elle contribue à « faire disparaître les stigmates associés à la nécessité d’être fort.
Nous voulons une culture d’entreprise où il est parfaitement correct de ne pas être correct. Nous parlons souvent de ces événements pour faire en sorte de nous tenir les coudes. Nous ne pouvons pas facilement déterminer le temps de récupération des personnes touchées, mais les effets peuvent potentiellement se sentir durant toute leur vie. »
Weir ajoute : « L’important pour nous est de reconnaître que c’est correct de ressentir les effets. C’est correct de s’en souvenir. C’est correct d’en parler. Ce qu’il ne faut pas faire, c’est ignorer que ces événements ont des répercussions sur tout le monde. »
Nous en parlons donc souvent, y compris ici.
Par Anne Marie Aikins, gestionnaire principale, Relations avec les médias et questions chez Metrolinx.
Nous savons que la santé mentale est un problème important, et nous avons pris des mesures pour donner à ceux qui utilisent nos corridors tout le soutien dont ils ont besoin.
Metrolinx s’est associée à ConnexOntario pour installer sur le réseau ferroviaire des centaines de panneaux sur des services de soutien psychologique. Puisque la plupart des suicides ont lieu sur des corridors et non aux stations, ces panneaux ont été installés partout. Ce partenariat important assure que nous relions les gens en besoin avec des professionnels de la santé mentale qui possèdent l’expertise et les compétences particulières pour les aider.
Nous savons qu’il est difficile de lire des histoires sur le suicide, que vous soyez aux prises avec vos propres sentiments de désespoir ou que vous vous souveniez d’une expérience arrivée au travail, sur les lignes. Ces histoires peuvent être dérangeantes et bouleversantes. ConnexOntario est là pour vous aider. Appelez au 1 866 531-2600. Vous pouvez aussi appeler l’hôpital le plus proche ou le 911.
La photo de notre panneau avec comme description : Metrolinx s’est associée à ConnexOntario. Des centaines de panneaux installés sur tout le réseau.
par Anne Marie Aikins Porte-parole en chef